Martiens versus zombies

Lorsqu’elles s’arrêtèrent devant le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch, les étranges créatures venues de fort loin se virent agressées par une si perturbante richesse de détails, de nuances et d’informations qu’elles décidèrent de ramener un instant à la vie le cadavre le plus proche pour qu’il leur en explique le sens.
Erreur, car du même coup elles ressuscitèrent par inadvertance tous les corps gisant dans un rayon d’une petite centaine de kilomètres, et ce faisant les rendirent, contre toute attente, immortels.
Or, immortelles, ces créatures ne l’étaient pas…

Philippe Pastorino

La frontière

La surface des miroirs est si légère qu’il ne faut rien de moins que la double poussée à contre-sens de deux univers infinis pour la maintenir en place.
Quand elle est tordue, c’est que l’un des deux empiète sur l’autre.
Or, ce matin-là, tous les miroirs du monde étaient comme des ventres de femmes enceintes…

Philippe Pastorino

Fausse manœuvre

Assis dans l’habitacle du simulateur, Yyyr survolait des planètes pixelisées.
L’une d’entre elles, plus grise que les autres, lui rappela la Terre, et il la pulvérisa par réflexe.
Ce n’est qu’à la fin de la journée, lorsqu’on lui remis son brevet de pilote, qu’il réalisa qu’il avait effectué son premier vol sur une machine en très bon état de marche.

Sarah Beaulieu

Au coin de ce qui ressemble à du feu

L’histoire se déroulerait dans une petite maison au milieu des bois, que nous appellerons auberge.
Le temps serait bon, c’est à dire qu’il n’y aurait pas de nuages, l’air serait clair, respirable, on pourrait choisir de faire un tour en barque – c’est un genre de petit bateau – ou de partir à la cueillette, je veux dire aller chercher des framboises, de la menthe, qui poussent en totale autonomie.
C’est une bonne histoire, je l’ai déjà en tête, mais il faut que les gens y croient ; on ne rêve plus beaucoup à cent mètres sous la terre.

Sarah Beaulieu

Une histoire sous la terre

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Carnage

Épuisés par le voyage, nous avons cherché de la nourriture.
Nous avons ramené des proies faciles, visiblement peu habituées à l’exercice de la chasse, dont la chair rare et molle nous répugnait.
Avant la mise à mort, l’une d’entre elles a ouvert la bouche, et je crois qu’elle a demandé si quelqu’un parlait le français.

Sarah Beaulieu

Vidée

Dans la splendeur de l’hiver, sa silhouette errante faisait une tache vilaine.
Elle courait dans la forêt en se couvrant les yeux, incapable de pleurer, consciente de la fin qui approchait, de la blessure béante, comme une porte ouverte dans sa poitrine.
On la retrouva allongée entre deux arbres morts, tombée raide au milieu de sa course, la bouche dans la neige, ses batteries déchargées.

Sarah Beaulieu

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