— Nous ? Rien monsieur le président, répondit le Premier Ministre.
Et c’était bien là le problème.
En l’espace de quelques années, cette jeune rédactrice était devenue une véritable référence dans le domaine des fausses nouvelles.
Théorie du complot, invasion extraterrestre ou remise en cause de faits historiques, ses publications étaient relayées en masse par des milliers d’internautes crédules.
Son ascension fut soudainement arrêtée par un licenciement pour négligence car elle avait, par excès de confiance, publié une information sans en avoir vérifié la fausseté, et qui s’avéra malheureusement tout à fait vraie.
On se moquait volontiers des dessins de Fortuné Miras, dont il était pourtant très fier.
La plus grande partie de son travail était consacrée à l’étude des corps, qu’il peignait gros ou rachitiques, toujours difformes ; il griffonnait un oeil là où aurait dû s’enfoncer un nombril, inversait doigts et orteils, mêlait les espèces et les sexes.
Quelques heures après sa mort, Fortuné Miras eut enfin la renommée qu’il désirait, lorsque l’employé de la morgue déclara à la presse que le corps nu du peintre était couvert d’écailles, et que le pauvre homme avait marché toute sa vie avec deux pieds droits.